Transition énergétique en Belgique : l’or bleu venu du Congo
Alors que la Belgique multiplie les efforts pour verdir sa consommation énergétique, un paradoxe persiste : une grande partie de cette transition repose sur un minerai extrait dans des conditions alarmantes. Parallèlement à l’explosion de la demande mondiale en appareils électroniques, environ 40 000 enfants travailleraient aujourd’hui dans les mines de la République démocratique du Congo, selon Amnesty International. Beaucoup d’entre eux extraient du cobalt dans des conditions extrêmement précaires, notamment dans la région du Katanga. Peut-on encore envisager un futur durable fondé sur une ressource aussi controversée ?
Cobalt : un minerai stratégique au cœur des technologies modernes

Auteur non mentionné – Wikimedia Commons– Licence CC.BY-SA.4.0
Souvent qualifié d’“or bleu”, le cobalt (symbole chimique : Co) est un minerai essentiel au fonctionnement de nombreuses technologies modernes. Très recherché pour sa résistance à la chaleur et sa stabilité, il est utilisé dans des secteurs de pointe, comme l’aéronautique, la défense ou la chimie. On le retrouve dans les superalliages des turbines à gaz, les réacteurs nucléaires, les systèmes de guidage de missiles ou les aimants de radars. Mais c’est surtout dans les batteries lithium-ion que sa demande a explosé. Smartphones, ordinateurs portables, trottinettes ou encore voitures électriques : autant d’objets du quotidien sur lesquels mise la transition énergétique.
Au cœur de cette industrie mondiale, la République démocratique du Congo (RDC) occupe une position dominante.Le pays concentre à lui seul près de 73 % de la production mondiale en 2023, d’après le gouvernement canadien. La RDC dispose des plus grandes réserves connues, estimées à environ 6 millions de tonnes selon Statista. La qualité exceptionnelle du cobalt congolais, associée à l’ampleur de ses gisements, fait de la RDC un acteur incontournable de la transition énergétique. Bien que d’autres pays producteurs, comme l’Indonésie, la Russie, l’Australie ou le Canada soient présents sur le marché, aucun n’égale le poids de la RDC, devenue un maillon géopolitique et économique central dans la course à l’énergie dite “verte”.
Transition énergétique et cobalt : une réponse au climat, mais à quel coût ?
La transition énergétique est souvent présentée comme une solution incontournable face à l’urgence climatique. Elle vise à remplacer les énergies fossiles par des sources renouvelables ou moins carbonées, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre. Mais ce virage “vert”, s’il n’est pas accompagné d’une réflexion systémique, peut engendrer de nouveaux déséquilibres environnementaux.
En 2009, un groupe de scientifiques internationaux a défini neuf “limites planétaires” à ne pas franchir pour garantir la stabilité du système Terre : le climat, la biodiversité, les forêts, l’eau douce, l’acidification des océans, les cycles de l’azote et du phosphore, les aérosols atmosphériques, la pollution chimique, et la couche d’ozone. À ce jour, six d’entre elles ont déjà été dépassées. Si la transition énergétique permet de mieux respecter certaines de ces frontières, elle exerce en parallèle une pression accrue sur d’autres — notamment via l’extraction massive de matières premières, comme le cobalt.

Pollution, érosion, biodiversité : le lourd impact écologique du cobalt
Au-delà des conséquences humaines, l’extraction du cobalt en République démocratique du Congo entraîne des dégâts écologiques majeurs.
« L’extraction minière entraîne des modifications profondes et souvent irréversibles. La structure des sols est altérée, ce qui favorise l’érosion, réduit la fertilité et détruit les habitats de nombreuses espèces. »
Satoris Gassialis
Satoris Gassialis souligne aussi que les procédés d’extraction et de raffinage contaminent les eaux, et que les populations locales sont directement touchées par ces pollutions multiples. L’exploitation nécessite d’importantes quantités d’énergie, dont les rejets participent aux émissions de gaz à effet de serre. À cela s’ajoutent la pollution des nappes phréatiques, la déforestation et la fragilisation de l’agriculture de subsistance.
Batteries sans cobalt, recyclage : les alternatives pour une transition durable
“La transition énergétique ne doit pas se faire au détriment des populations locales ni de l’environnement : innover, recycler et diversifier nos approvisionnements est essentiel pour éviter de reproduire les mêmes erreurs que par le passé.”
Satoris Gassialis
Face à la dépendance croissante au cobalt, les États et les industries s’efforcent de diversifier leurs sources et de repenser leurs modèles technologiques.
Selon notre expert, bien que les États investissent dans l’innovation technologique et le recyclage, le marché du cobalt reste dominé par de grandes multinationales, notamment chinoises, qui ont tout intérêt à préserver leur contrôle sur cette ressource stratégique.
Vers une transition durable sans exploitation ?
“Des dizaines de milliers d’enfants travaillent quotidiennement dans les mines artisanales. Ils participent à des tâches pénibles, comme le tri du minerai, le transport ou l’extraction à mains nues, souvent sans équipement de protection.”
Satoris Gassialis
Satoris Gassialis rappelle que la production minière se concentre dans des zones politiquement instables de la RDC, souvent en proie à des conflits armés. Dans ces régions, les conditions de travail sont extrêmement dangereuses, notamment en raison des effondrements, du manque d’équipements de sécurité et de la présence d’enfants dans les mines artisanales.
À l’heure où la Belgique et d’autres pays industrialisés accélèrent leur transition énergétique, un constat s’impose : électrifier nos usages ne suffit pas à rendre notre modèle durable. Tant que les matières premières nécessaires à cette transformation continueront d’être extraites dans des conditions sociales et écologiques critiques, le virage “vert” restera en demi-teinte. Loin d’être un simple défi technologique, la transition énergétique pose une question profondément éthique : quel avenir voulons-nous construire, et à quel prix ?

James Tjeega, étudiant en communication né à Bruxelles, passionné par l’art créatif et l’expression visuelle.
