Kinshasa : des vies effacées
Un matin, la terre s’est mise à vibrer à Kinshasa, les engins sont venus détruire ce que les pluies n’avaient pas déjà emporté. Officiellement, il fallait nettoyer les berges pour éviter d’autres drames,mais dans les quartiers pauvres, ce sont surtout des familles qu’on a laissées sans toit et sans moyens de communiquer
Passy serre son enfant contre elle. « Nos maisons détruites, nos affaires volées… Où irons-nous ? » Derrière elle,la pluie continue de tomber
C’est une rue comme il y en a tant à Kinshasa une pente, des tôles et des fils tendus . Et, ce matin-là, un grondement au loin, la machine approche.
Dans le quartier de Ngaliema, les gens n’ont pas eu le temps, à peine quelques heures pour certains, voire quelques minutes pour d’autre. Juste le temps de lancer un matelas sur une charrette. De ramasser des casseroles ou encore de tirer un rideau
Passy est debout, les pieds dans la poussière sa maison n’existe plus elle ne comprend pas comment tout a pu disparaître si vite. Elle demande seulement pourquoi.
Autour d’elle, d’autres familles fouillent les décombres pas pour reconstruire mais pour sauver certains personnes.
Augustin tient son congélateur par la poignée à côté, ses enfants restent silencieux. il pleure sans bruit trois ans qu’il vivait là il était parti de rien et aujourd’hui, il repart de zéro
Le ministre provincial est là, cravate bien nouée, entouré de gardes. Il parle de sécurité. De zones interdites il dit que l’État fait son travail. « Ce n’est pas de la méchanceté. » Peut-être mais pour ceux qui dorment dehors ce soir, ce n’est pas autre chose non plus.
Dady, lunettes noires, fixe les ruines de sa maison jamais terminée il avait mis toutes ses économies dans les briques, les tôles, les tuyaux. Il pensait être protégé mais au final il ne l’était pas
Puis viennent les autres. Ceux qui fouillent, qui prennent les lavabos, les fenêtres, les portes. Même les cuves de toilette sont emportées la misère ne laisse rien
Les autorités parlent d’ordre, de règles, de fleuve dangereux et cela reste vrai les inondations tuent . Kinshasa déborde mais rien, dans cette violence, ne ressemble à une solution.
Ce soir, sur les rives du fleuve Congo, il ne reste que de la boue, des gravats… et des familles. Elles ne veulent pas de promesse mais juste un endroit où dormir. À l’abri.