Environnement

Les tortues marines en détresse : le plastique, principal responsable.

Chaque année, des millions de tonnes de plastique s’accumulent dans nos mers et nos océans. Parmi les victimes silencieuses de cette pollution : les tortues marines. Ces espèces anciennes, déjà menacées, voient leur survie compromise par notre usage massif du plastique.  

Prises au piège dans des filets de pêche abandonnés, asphyxiées par des sacs plastiques ou victimes de perforations internes. Ce ne sont pas des cas isolés, mais la nouvelle réalité des tortues marines du monde entier. 

Des océans et des mers saturées de plastique 

Difficile d’échapper à l’invasion plastique : il représente aujourd’hui 80 % des déchets marins, selon les chiffres relayés par les institutions européennes. La production mondiale de plastique, estimée à près de 400 millions de tonnes par an, n’a cessé de croître depuis les années 1950. Entre 8 et 12 millions de ces déchets finissent leur course dans les océans et les mers. 

Le transport de ces déchets est facilité par les courants marins. Certaines zones marines sont devenues des symboles de cette pollution extrême, comme le tristement célèbre “7e continent de plastique” dans le Pacifique Nord. D’autres, plus proches, comme la Méditerranée ou les côtes d’Asie du Sud-Est, figurent aussi parmi les régions les plus critiques. Ces régions sont souvent situées sur les routes migratoires des tortues marines, ce qui accroît leur exposition aux risques. 

Le plastique provient de toutes parts : déchets jetés sur les plages, filets de pêche abandonnés (les fameux « ghost nets »), microbilles cosmétiques des produits d’hygiène, fibres synthétiques de nos vêtements, etc. Les zones de ponte, souvent situées sur des plages fréquentées, sont, elles aussi, polluées. 

Des espèces anciennes face au fléau contemporain 

Image par GUDE PAVAN de Pixabay  

Apparues il y a plus de 100 millions d’années, les tortues marines ont survécu aux extinctions massives. Aujourd’hui, leur principal ennemi n’est pas naturel : c’est le plastique. Ces espèces marines sont toutes en danger, certaines gravement. 

Le plastique, omniprésent en mer, s’est invité dans leur cycle de vie : dans leur nourriture, leurs habitats, même leurs œufs. Selon une étude publiée par l’ONG Ocean Conservancy, 100% des tortues marines contenaient des déchets plastiques dans leur système digestif. 

Autre danger fréquent : l’enchevêtrement. De nombreuses tortues se retrouvent piégées dans des filets de pêche ou des anneaux plastiques. Ces entraves peuvent entraîner des blessures graves, des malformations, voire la noyade. 

Quand les tortues confondent plastique et nourriture 

Image générée par ChatGPT  

Les tortues marines, notamment les jeunes individus, confondent facilement les sacs plastiques avec des méduses, l’une de leurs proies favorites. 

Une fois ingéré, le plastique peut bloquer le système digestif, provoquer des perforations ou des infections. Le résultat : l’animal meurt à petit feu. 

“Quand les tortues marines ingèrent du plastique, elles courent, chaque fois, un risque important. Les suffocations et des blocages intestinaux ne sont pas rares.”, explique Violette Chattey. 

Le plastique attire les tortues par son odeur. En se dégradant dans l’eau, il se couvre de micro-organismes, libérant des composés chimiques similaires à ceux de leurs aliments naturels, comme le plancton. Les tortues ne mangent donc pas seulement ce qui ressemble à de la nourriture, mais ce qu’elles sentent aussi.  

Un écosystème en péril 

Les tortues marines jouent un rôle écologique crucial. En se nourrissant de méduses, elles participent à la régulation de leur population, évitant les déséquilibres marins. Certaines espèces contribuent aussi à la santé des récifs coralliens et à la fertilité des plages par la décomposition de leurs œufs non éclos. 

La disparition progressive des tortues, déjà classées pour la plupart comme espèces menacées par l’UICN, aurait donc des conséquences en chaîne pour tout l’écosystème marin. L’impact du plastique dépasse ainsi le cadre de la seule souffrance animale : il remet en question l’équilibre même des océans. 

« Les conséquences du plastique sur leur santé révèlent celle de l’écosystème marin », affirme Violette Chattey, étudiante en master d’océanographie à l’Université de Liège. 

Les microplastiques, un danger invisible et dévastateur 

Si les déchets plastiques visibles inquiètent, les microplastiques sont tout aussi menaçants. Ces fragments infimes, résultant de la dégradation des déchets en mer, s’accumulent dans la chaîne alimentaire marine. Les tortues les ingèrent indirectement via les algues, les crustacés ou les petits poissons. 

Aussi, des recherches récentes, notamment celles publiées par la revue Marine Pollution Bulletin, montrent que les embryons de tortues sont désormais exposés dès l’éclosion. Des traces de microplastiques ont été détectées dans le sable de ponte, impactant la température du sol, le sexe des nouveau-nés (qui dépend de la chaleur) et leur taux de survie. 

En modifiant le ratio mâle/femelle, ces particules influencent directement la reproduction à long terme. Par ailleurs, des substances chimiques liées aux plastiques, comme les phtalates ou les bisphénols, perturbent le développement embryonnaire. Le plastique, à l’état de trace, devient un polluant hormonal capable d’altérer tout un cycle biologique. 

Des solutions existent, mais tardent à se généraliser   

Partout dans le monde, des initiatives se multiplient pour limiter les impacts : nettoyage des plages, zones marines protégées, interdiction de certains plastiques à usage unique. Des lois interdisent certains plastiques à usage unique. L’Union européenne, par exemple, a banni en 2021 les pailles, couverts et touillettes en plastique jetable. Et des ONG comme Sea Turtle Conservancy ou Surfrider Foundation mènent un travail de sensibilisation et de réhabilitation. 

Mais ces efforts restent locaux et souvent dépendant de financements incertains. Sans action politique forte au niveau international, le problème persistera. Certains pays, comme le Costa Rica ou les Philippines, montrent la voie en interdisant certains types de plastiques ou en impliquant les communautés locales dans la surveillance des nids. 

L’éducation joue également un rôle clé. Des programmes scolaires intégrant la protection des océans permettent de sensibiliser les jeunes générations. À l’échelle individuelle, chacun peut agir : réduire sa consommation de plastique, participer à des collectes de déchets, soutenir des associations. 

Mais pour Violette Chattey, étudiante en océanographie, ces efforts ne suffisent pas : 

« Il faudrait que les grandes entreprises réduisent la production de plastique. Le plastique étant moins cher que d’autres matériaux, il est très souvent utilisé pour faire des économies. » 

Protéger les tortues, c’est préserver l’équilibre marin 

Réduire la production de plastique, renforcer les mesures de protection, impliquer les citoyens, etc. Leur survie ne dépend plus de la nature, mais des hommes. 

Les tortues marines sont des témoins de la santé des océans. Leur disparition annoncerait celle de nombreux autres maillons de l’écosystème. 

« Protéger les tortues, c’est protéger l’avenir de la vie marine », conclut Violette Chattey. 

Eline Guerrero Serrano 

Étudiante en communication. Curieuse, dynamique et engagée. J‘aime le journalisme et l‘audiovisuel. Je m’intéresse particulièrement aux enjeux sociaux et écologiques.